Article paru dans le N° 841 du Bulletin de l'Union des Physiciens (Fevrier 2002)

 

Une méthode simple de résolution des problèmes de pH 

et de titrages acido-basiques sans approximations"

Dr Thierry BRIERE - Professeur Agrégé

Département de Chimie - Université de La Réunion

Faculté des sciences et des technologies

15 avenue René Cassin - 97715 -St Denis messagerie- cedex 9

Introduction

Les problèmes de pH sont nombreux et variés et beaucoup d’étudiants sont gênés au début de leurs études par les méthodes de résolution approximatives utilisées par les chimistes. Ces méthodes leur paraissent quelque peu arbitraires et sont souvent mal comprises. " Comment peut-on négliger a priori quelque chose dont on ne connaît pas la valeur ? ". Voilà une question que l’on entend maintes fois prononcée à voix basse par les étudiants. Quand les mélanges complexes et les réactions prépondérantes sont abordés, la situation empire, et bien souvent, des recettes sont utilisées pour résoudre les problèmes. En général, un problème n’est résolu par les étudiants " moyens " que s’il a déjà été traité en cours ou en T.D ou rencontré dans un livre. Un exercice inconnu a bien peu de chance d’être correctement résolu. L’utilisation des moyens informatiques et en particulier des logiciels de simulation aide à la compréhension de ces problèmes, mais bien souvent, on ignore totalement comment le programme les résout et cela n’est pas très pédagogique in fine.

Cet article propose une méthode de résolution sans approximation de tout problème de pH aussi compliqué soit-il grâce à une formule très simple. Cette méthode ne nécessite pas obligatoirement l’utilisation d’un micro-ordinateur puisqu’une simple calculatrice permettra sans difficulté la simulation de n’importe quel titrage acido-basique. Une fois le problème rigoureusement résolu par l’étudiant lui-même, il sera beaucoup plus aisé de justifier les approximations faites et d’en montrer l’intérêt simplificateur. D’autre part, beaucoup d’étudiants ne se destinent pas à la poursuite d’études en chimie et reprochent à celle-ci de n’être qu’une collection de recettes à appliquer et de choses à apprendre, leur montrer qu’un problème de chimie peut être résolu de façon rigoureuse les réconciliera peut être avec cette matière. Les notions utilisées sont des notions de base, accessibles même à des étudiants des classes de terminale scientifique. Puisque les titrages de polyacides sont à leur programme, cet article pourra intéresser également les collègues enseignant dans de telles classes.

  1. Clef de la méthode - Formule de base

La formule de base est la suivante :

Q = h2 – h S Ci Mi – Ke = 0

h : concentration en ion H3O+

Ci : Concentration initiale de l’espèce i

Mi : " Coefficient d’espèce " de l’espèce i (fonction implicite de h)

Ke : Produit ionique de l’eau (10-14 à 25°C)

S : Signe de sommation sur toutes les espèces initialement présentes dans le mélange étudié.

Cette formule démontrée dans la suite de l’article s’applique à tout mélange d’espèces ne présentant que des propriétés acido-basiques (précipitation, complexation, oxydoréduction.… sont donc exclues de cette étude). De plus, on ne tient pas compte des coefficients d’activité et on se limite donc à des solutions suffisamment diluées et de force ionique suffisamment faible pour que ces coefficients soient considérés comme égaux à l’unité.

Le " coefficient d’espèce " M dépend comme son nom l’indique de l’espèce considérée. Son expression littérale est fonction d’une variable intermédiaire (facteur de distribution) notée L et de la concentration h des ions H3O+.

Elle obéit aux règles suivantes :

    1.  : Cas des espèces acides
    2. Type d’acide

      Facteur de distribution L

      Coefficient d’espèce M

      Monoacide Fort

      1

      1

      Monoacide faible

      1 + h / K1

      1/ L

      Diacide faible

      1 + h / K2 + h2 / K2K1

      (1/L) [ 2 + h / K2 ]

      Triacide faible

      1 + h / K3 + h2 / K3K2+ h3 / K3K2K1

      (1/L) [ 3 + 2 h / K3+ h2 / K3K2]

      La régularité de ces expressions permet de les retenir facilement et il est assez aisé de prévoir quelles seraient celles d’un tétracide ou d’un pentacide…Elles sont, d’autre part, faciles à programmer.

    3. : Cas des espèces basiques 
    4. Le " coefficient d’espèce " M des espèces basiques se déduit facilement de celui des acides par la règle suivante :

      Le M d’une base est celui de son acide conjugué diminué d’une unité.

      Mbase = Macide – 1

    5. Exemples :

L H3PO4 = 1 + h / K3 + h2 / K3K2 + h3 / K3K2K1

M H3PO4 = (1/L H3PO4) [ 3 + 2 h / K3 + h2 / K3K2]

M H2PO4- = MH3PO4 - 1

M H2PO4- = { (1/L H3PO4) [ 3 + 2 h / K3+ h2 / K3K2] } - 1

M HPO42- = MH2PO4- - 1 = MH3PO4 - 2

M HPO42- = { (1/L H3PO4) [ 3 + 2 h / K3+ h2 / K3K2] } - 2

M PO43- = MHPO42- - 1 = MH2PO4- - 2 = MH3PO4 - 3

M PO43- = { (1/L H3PO4) [ 3 + 2 h / K3+ h2 / K3K2] } – 3

 

2- Démonstration de la formule de base

Cette formule sera démontrée à travers deux exemples.

    1. - Cas d’une seule espèce initialement présente
    2. Supposons dans un premier temps qu’un diacide faible AH2 soit mis en solution à la concentration initiale C.

      On aura les réactions suivantes :

      AH2 + H2O = AH- + H3O+ K1 = [H3O+] [AH-] / [AH2]

      AH- + H2O = A2- + H3O+ K2 = [H3O+] [A2-] / [AH-]

      2 H2O = H3O+ + OH- Ke = [H3O+] [OH-]

      Les cinq inconnues du problème sont : [H3O+] ; [OH-] ; [AH2] ; [AH-] ; [A2-]

      Les trois constantes d’équilibre donnent trois relations entre les inconnues.

      L’électroneutralité de la solution s’écrit :

      E.N : [H3O+] = [OH-] + [AH-] +2 [A2-]

      Enfin la relation de conservation de la matière s’écrit :

      C.M : [AH2] +[AH-] + [A2-] = C

      Soit un système de cinq équations à cinq inconnues permettant de résoudre le problème.

      K2 = [H3O+] [A2-] / [AH-] è [AH-]= [A2-] [H3O+] / K2

      K1 = [H3O+] [AH-] / [AH2] è [AH2]= [H3O+] [AH-] / K1 = [A2-] [H3O+]2 / K1 K2

      C.M : [AH2] +[AH-] + [A2-] = C

      ( [A2-] [H3O+]2 / K1 K2 ) + ( [A2-] [H3O+] / K2 ) + [ A2-] = C

      [A2-] { ([H3O+]2 / K1 K2 ) + ([H3O+] / K2) + 1 } = C

      [A2-] = C / { ([H3O+]2 / K1 K2) + ([H3O+] / K2 ) + 1}

      Pour alléger l’écriture posons [H3O+] = h

      [A2-] = C / { h2 / K1 K2+ h / K2 + 1}

      L’expression L = 1 + (h / K2 )+ (h2 / K1 K2 ) est le facteur de distribution.

      Soit finalement en écriture simplifiée :

      [A2-] = C / L

      [AH-] = (C / L) (h / K2)

      [AH2] = (C / L) (h2 / K2 K1)

      Ces trois expressions permettront le calcul des concentrations des diverses espèces pour tout pH donné ; en effet, h est la seule inconnue qui apparaisse.

      Remarque : tout le traitement qui vient d’être effectué serait identique si les espèces mises en solution étaient AH- ou A2- au lieu de AH2, rien n’est modifié et les expressions établies restent donc tout aussi valables.

      L’équation d’électroneutralité de la solution en remplaçant les concentrations de chaque espèce par son expression en fonction de h s’écrit alors :

      E.N : [H3O+] = [OH-] + [AH-] +2 [A2-]

      h = (Ke / h) + (C / L) (h / K2) + 2 C / L

      h - Ke / h = (C / L) (h / K2) + 2 C / L

      h - Ke / h = (C / L) [2 + (h / K2 ) ]

      L’expression (1 /L) [ 2 + (h / K2 ) ] est le coefficient d’espèce noté M pour alléger l’écriture.

      Soit : h - Ke / h = C M

      Soit finalement

      h2 - h C M - Ke = Q = 0

      C’est bien l’expression attendue mais ici, avec une seule substance initialement présente.

      Comme précédemment, il n’y aura que des modifications minimes pour les cas où l’espèce en solution serait AH- ou A2- puisque tout le traitement est identique jusqu'à l’utilisation de l’équation d’électroneutralité.

      Pour AH- 

      La seule différence est l’introduction simultanée (et bien sûr obligatoire) d’un ion indifférent (Na+ par exemple) lui aussi à la concentration C et on écrira :

      E.N : [H3O+] + [Na+] = [OH-] + [AH-] +2 [A2-]

      [H3O+] + C = [OH-] + [AH-] +2 [A2-]

      h + C = Ke / h + (C / L) h / K2 + 2C / L

      h - Ke / h = (C / L) h / K2 + 2C / L – C

      h - Ke / h = C {(1/ L) h / K2 + 2 / L – 1}

      h - Ke / h = C {(1/ L) [ h / K2 + 2 ] – 1}

      h - Ke / h = C {(1/ L) [2+ h / K2 ] – 1}

      Comme précédemment l’expression {(1/ L) [2+ h / K2 ] – 1} est le coefficient d’espèce noté M.

      Il est facile de remarquer que ce coefficient est simplement identique à celui de AH2 diminué de une unité.

      M (AH-) = M(AH2) – 1

      Le terme 1 provient tout simplement de l’introduction simultanée des C moles d’ion indifférent qui interviennent dans l’équation d’électroneutralité.

      Il est clair que le traitement de l’espèce A2- fera apparaître un terme 2C dû aux deux ions Na+ simultanément introduits, soit finalement :

      M(A2-) = M(AH) – 1 = M(AH2) – 2

      Cette règle est toujours vérifiée et les expressions des coefficients d’espèce peuvent donc être déduites de proche en proche en diminuant d’une unité celui de leur acide conjugué.

      Un traitement identique pourra être mené pour un autre type d’espèce et conduira en procédant exactement de la même manière aux expressions données plus haut pour les divers coefficients d’espèces.

      Pour l’acide fort (ou la base forte) les coefficients L et M n’apparaissent pas mais, par souci d’homogénéité, il est intéressant de poser qu’ils sont égaux respectivement à 1 ou –1.

      * Pour HCl, [Cl-] = C et l’électroneutralité permet d’écrire directement :

      [H3O+] = [OH-] + [Cl-

      h = Ke/h + C

      h2 – h C - Ke = 0

      h2 – h CM - Ke = 0 avec M = 1

      * Pour NaOH, [Na+] = C et l’électroneutralité permet d’écrire directement :

      [H3O+] + [Na+] = [OH-

      h + C = Ke/h

      h2 + h C - Ke = 0

      h2 – h CM - Ke = 0 avec M = -1

      Les espèces indifférentes Na+ ou Cl- qui par définition n’ont aucune influence sur le pH se verront naturellement crédité d’un M nul.

      Il est amusant de constater qu’on retrouve la règle précédente, un ion indifférent étant la base conjuguée d’un acide fort ou l’acide conjugué d’une base forte, si on donne la valeur M = 1 à l’acide fort, on retrouve bien M = 1 - 1 = 0 pour l’ion indifférent et M = 0 - 1 = –1 pour la base forte.

    3. Cas d’un mélange de plusieurs espèces :

Supposons qu’on mélange : NaAH2 à la concentration initiale C1 (constantes d’acidité successives : K1,1 ; K2,1 ; K3,1), NaB (constante d’acidité K1,2) à la concentration initiale C2 et NaOH à la concentration initiale C3.

On peut établir facilement et de la même manière que précédemment :

[A2-] = C1 / L1

[AH-] = C1 / L1 [ h / K2,1 ]

[AH2] = C1 / L1 [ h2 / K2,1 K1,1 ]

[B-] = C2 / L2

[BH] = C2 / L2 [ h / K1,2 ]

[Na+] = C1 + C2 + C3 (Na+ provenant simultanément de NaAH2 , NaB et NaOH)

L’équation d’électroneutralité s’écrit dans ce cas :

E.N : [H3O+] + [Na+] = [OH-] + 2[A2-] + [AH-] + [B-]

h + C1 + C2 + C3 = Ke / h + 2 C1 / L1 + (C1/L1) [ h / K2,1 ] + C2/L2

h – Ke / h = 2 C1 / L1 + (C1/L1) [h/K2,1] - C1 + C2/L2 - C2 - C3

h – Ke / h = C1 [2 / L1 + (1 / L1) [ h / K2,1 ] – 1] + C2 [1 / L2 – 1] - C3

h - Ke/h = C1 { (1/L1 ) [2 + h/K2,1] – 1} + C2 {1 / L2 – 1} - C3

h - Ke/h = C1 M1 + C2 M2 + C3 M3 (avec M3 = -1)

h - Ke/h = SCi Mi

h2 - h SCi Mi - Ke = Q = 0

Il s’agit bien de la formule annoncée.

Il suffit de sommer sur toutes les espèces introduites dans le mélange.

Bien entendu, le même résultat serait obtenu quel que soit le mélange choisi et la formule est tout à fait générale.

  1. - Principe de la méthode de résolution :

Une valeur du pH est arbitrairement fixée, ce qui permet le calcul successif de :

- et finalement la valeur correspondante de l’expression Q.

Les valeurs utilisées pour les diverses concentrations Ci sont celles calculées en supposant qu’aucune réaction chimique n’a lieu.

Il suffit ensuite de procéder par itération et de trouver deux valeurs successives de pH (avec la précision choisie) pour lesquelles Q change de signe. Le pH vrai du mélange est compris entre ces deux valeurs et peut donc être déterminé avec toute la précision voulue. Une précision de 0,1 unité est généralement suffisante et le résultat cherché sera donc rapidement obtenu. Ce processus peut être très facilement automatisé soit par l’utilisation d’un tableur soit par la simple utilisation d’une calculatrice (même non programmable) et est donc à la portée de tout étudiant.

Dans la pratique, il n’est pas indispensable de procéder à de véritables itérations, il suffit de se fixer une liste de valeur du pH. Une seule solution est physiquement possible, et on sait dans quel domaine elle se situe (0 < pH < 14 sauf exception rarissime), il n’y donc pas de problème de convergence mathématique.

Exemple de calculs :

Calculer le pH d’un mélange contenant :

HCl (0,1 mol.L-1) + AH monoacide faible de pKa = 5 (0,2 mol.L-1) + B2– dibase faible de pKa 4 et 8 (0,1 mol.L-1).

Pour HCl : M = 1

Pour AH : L = 1 + h/10-5 = 1 + 105 h et M = 1/L = 1 / (1 + 105 h)

Pour B2- : L = 1 + 108 h + 1012 h2 et M = { (1/L ) [2 + 108 h] } – 2

SCi Mi = 0,1 + 0,2 / (1 + 105 h) + 0,1[ {(2 + 108 h) / (1 + 108 h + 1012 h2) } – 2 ]

h2 - h SCi Mi - Ke = Q = 0

Le pH du mélange est déterminé très facilement.

Première série de valeurs (grossière)

pH

h

M1 (HCl)

M2 (AH)

L3 (A2-)

M3 (A2-)

Q

0

1

1

1E-05

1E+12

-1,9999

1,099989

2

0,01

1

0,000999

1,01E+08

-1,9901

0,001089

4

0,0001

1

0,090909

20001

-1,49993

4,1E-06

6

0,000001

1

0,909091

102

-1

-9,1E-08

Soit 4 < pH < 6

Deuxième série (encore grossière)

pH

h

M1 (HCl)

M2 (AH)

L3 (A2-)

M3 (A2-)

Q

4

0,0001

1

0,090909

20001

-1,49993

4,1E-06

4,5

3,16E-05

1

0,240253

4163,278

-1,23996

5,79E-11

5

0,00001

1

0,5

1101

-1,08992

-4,1E-07

Soit 4,5 < pH < 5

Troisième série (fine)

pH

h

M1 (HCl)

M2 (AH)

L3 (A2-)

M3 (A2-)

Q

4,5

3,16E-05

1

0,240253

4163,278

-1,23996

5,79E-11

4,6

2,51E-05

1

0,284747

3143,844

-1,20038

-2,1E-07

Soit 4,5 < pH < 4,6

Le pH doit être très prés de 4,5 puisque Q est très petit (6 10-11) il est donc inutile de chercher plus loin, mais il est possible de préciser encore le résultat en calculant Q pour pH = 4,51 ; la valeur trouvée est effectivement négative (-3 10-8).

Donc : 4,50 < pH < 4,51

Ce résultat à été obtenu très simplement et très rapidement, sans faire aucune hypothèse ou approximation d’ordre chimique .

 

4 - Application de la méthode aux titrages acido-basiques

La formule établie est bien sûr applicable aux problèmes de titrages qui ne sont en fait que des cas particuliers de problèmes de mélanges pour lesquels une espèce (ou plus rarement un mélange d’espèces), l’agent titrant, joue un rôle particulier. Au mélange initial d’espèces titrées est ajouté des volumes variables de l’agent titrant, il suffit de calculer le pH du mélange en fonction du volume d’agent titrant ajouté et de tracer la courbe de titrage pH = f ( Vt ).

Il suffit donc d’isoler l’agent titrant dans la formule établie pour résoudre ce type de problèmes.

Q = h2 – h S Ci Mi – Ke = 0

 

S Ci Mi = C1 M1 + C2 M2 + C3 M3 + …… + Cn Mn + Ct Mt

 

 

En isolant l’agent titrant la formule peut donc s’écrire :

Q = h2 – h S Cj Mj – h Ct Mt – Ke = 0

La deuxième différence qui apparaît, est que les concentrations varient par effet de dilution puisque l’on verse l’agent titrant dans le mélange initial et le volume varie donc. Si on appelle C0j la concentration initiale de l’espèce j (en supposant toujours qu’aucune réaction n’ait lieu) la concentration de l’espèce j s’exprime en fonction du volume initial V0 du mélange titré et du volume Vt d’agent titrant versé:

Cj = C0j V0 / ( V0 + Vt )

De même, pour l’agent titrant : Ct = C0t Vt / ( V0 + Vt )

h2 – h S Cj Mj – h Ct Mt – Ke = 0

h2 – h S { C0j V0 Mj / (V0 + Vt ) } – h { C0t Vt / ( V0 + Vt ) Mt } – Ke = 0

Les termes V0 / (V0 + Vt ) et Vt / (V0 + Vt ) peuvent être sortis du signe Somme S

h2 – h V0 / (V0 + Vt ) S C0j Mj – h Vt / ( V0 + Vt ) C0t Mt – Ke = 0

Soit en multipliant par (V0 + Vt )

h2 (V0 + Vt ) – h V0 S C0j Mj – h Vt C0t Mt – Ke (V0 + Vt ) = 0

h2 V0 + h2 Vt – h V0 S C0j Mj – h Vt C0t Mt – Ke V0 – Ke Vt = 0

V0 { h2 – h S C0j Mj – Ke } + Vt {h2 – h C0t Mt – Ke ) = 0

Vt { h2– h C0t Mt – Ke } = - V0 { h2 – h S C0j Mj – Ke }

Soit finalement : Vt = - V0 { h2 – h S C0j Mj – Ke } / { h2– h C0t Mt – Ke }

Ou plus simplement : Vt = - V0 Qj / Qt

Cette expression facile à retenir permettra le calcul de Vt pour tout pH et donc d’obtenir la courbe de titrage sans difficultés. Il suffira de se fixer une liste de valeurs de pH et de calculer les volumes correspondants ce qui est très simple avec une calculatrice. Si on le désire, il est aussi possible de tracer les courbes de distributions des espèces puisque les concentrations de chaque espèce sont aisément calculables pour tout pH.

Exemple de calcul :

Dosage d’une soude carbonatée

" On dose 10 mL d’un mélange de soude à 0,1 mol.L-1 et de Na2CO3 à 0,05 mol.L-1 par de l’acide chlorhydrique à 0,1 mol.L-1. Tracer la courbe de titrage. On prendra pour CO32- : pK1 = 6.4 et pK2 = 10,3. "

Le problème se résout aisément en posant :

HCl = H3O+ = Agent titrant : Mt = 1 (acide fort)

NaOH = OH- = Espèce titrée : MNaOH = -1 (base forte)

Na2CO3 = CO32- = Espèce titrée :

LH2CO3 = 1 + 1010,3 h + 10(10,3+6,4) h2

MCO32- = MHCO3- - 1 = MH2CO3 - 2

MCO32- = { (1/ LH2CO3 ) [2 + 1010,3 h] } – 2

Les calculs donnent les résultats suivants :

pH

Vt

pH

Vt

pH

Vt

pH

Vt

13

0,00498

10

13,3085

7

16,0014

4

20,0102

12,8

2,2724

9,8

13,7856

6,8

16,4223

3,8

20,0351

12,6

4,32289

9,6

14,1618

6,6

16,9335

3,6

20,0676

12,4

6,01629

9,4

14,4397

6,4

17,4996

3,4

20,1149

12,2

7,31752

9,2

14,636

6,2

18,0656

3,2

20,1873

12

8,27074

9

14,7714

6

18,5764

3

20,301

11,8

8,95715

8,8

14,865

5,8

18,9966

2,8

20,4818

11,6

9,46377

8,6

14,9325

5,6

19,3167

2,6

20,7722

11,4

9,86886

8,4

14,9867

5,4

19,5466

2,4

21,2433

11,2

10,2383

8,2

15,0382

5,2

19,7051

2,2

22,02

11

10,6255

8

15,0973

5

19,8115

2

23,3331

10,8

11,0684

7,8

15,1755

4,8

19,8822

1,8

25,65

10,6

11,5836

7,6

15,2867

4,6

19,9295

10,4

12,1581

7,4

15,4483

4,4

19,9624

10,2

12,7511

7,2

15,6801

4,2

19,9876

 

 

Discussion pédagogique :

La courbe tracée, obtenue sans aucune approximation, permet de bien comprendre les diverses réactions qui se produisent au cours du titrage.

Trois sauts de pH sont observés pour :

Vt = 10 mL (peu marqué) ; Vt = 15 mL et Vt = 20 mL

Ces trois sauts sont expliqués par le fait que trois basicités différentes sont titrées : celle de la soude (OH-) et les deux basicités de CO32-.

Ces trois sauts sont aisément identifiables puisque les concentrations de NaOH et Na2CO3 sont connues. Il suffit de calculer de manière classique le volume de HCl qu’il faudrait verser pour atteindre le point équivalent dans le cas de dosages séparés avec les espèces non mélangées à la même concentration.

Pour NaOH : Veq = 0,1* 10 / 0,1 = 10 mL de HCl

Pour CO32- : Veq = 0,05 * 10 / 0,1 = 5 mL pour chacune des deux basicités.

Il est alors facile de voir que tout se passe pratiquement comme si les trois basicités étaient titrées successivement, d’abord la soude (V=10mL), puis la première basicité de CO32- (V = 10 + 5 = 15 mL) et enfin la deuxième basicité de CO32- (V = 10 + 5 + 5 = 20 mL). Tout se passe donc comme si l’acide fort réagissait d’abord avec la base OH- puis avec CO32- puis avec HCO3- (formé précédemment).

Soient les trois réactions successives :

OH- + H3O+ = 2 H2O

CO32- + H3O+ = HCO3- + H2O

HCO3- + H3O+ = H2CO3 + H2O

La règle classique qui dit que l’acide le plus fort réagit d’abord avec la base la plus forte puis avec les autres bases dans l’ordre de leurs basicités respectives est ainsi facilement trouvée. Cette règle est ici " démontrée " et non simplement admise ce qui est pédagogiquement intéressant. Le traitement ultérieur d’exemples différents permettra ensuite de vérifier que cette règle est générale.

Se pose alors la question de savoir si les trois sauts de pH sont obligatoirement individualisés. Il sera facile en jouant sur les valeurs de pK1 et pK2 de voir que le titrage séparé n’est en réalité possible que si l’écart entre les pK est suffisant, la " règle des 4 unités " pourra être ainsi facilement introduite et vérifiée pratiquement. Dans cet exemple, le premier saut de pH est effectivement très peu marqué en raison de l’écart trop faible entre les forces relatives de OH- et CO32- : DpK = 14 – 10,3 = 3,7.

Cette étude préalable, sans aucune approximation, permettra ensuite de faciliter et de justifier de façon rigoureuse les techniques classiques de traitement de ce genre de problèmes (solutions équivalentes et réactions prépondérantes).

Conclusion :

Cette technique de résolution, très simple dans son principe, est donc très facilement compréhensible. Elle se prête à la réalisation de programmes entièrement automatisés qui pourront dans le cas des réactions acido-basiques remplacer les logiciels commerciaux. Le soin est laissé au lecteur intéressé de se lancer dans cette réalisation.

L’intérêt principal est que l’étudiant pourra réaliser lui même son propre programme ce qui est d’une part très formateur et l’incitera d’autre part à utiliser sa calculatrice programmable (de très nombreux étudiants possèdent des machines très performantes, mais paradoxalement, ne les utilisent quasiment pas, si ce n’est pour " rentrer le cours ").

Il serait dommage de se passer de l’utilisation de ce genre d’outils même s’il est important dans " l’esprit des programmes " de savoir traiter ce genre de problèmes par les méthodes classiques.

Cette technique en facilitera sans doute l’introduction et pourra servir ensuite de vérification des résultats obtenus et donc de juger de la validité des approximations faites.

Elle contentera sans doute les étudiants " allergiques " à la chimie des solutions qui pourront au moins trouver le résultat correct d’un problème même s’ils n’en maîtrisent pas les arcanes…

Remarque : La formule de base peut être facilement adaptée aux problèmes simples de complexométrie à un seul ligande. Elle devient alors : h2 - h S CiMi = 0 ou plus simplement encore h - S CiMi = 0. Le ligande joue le rôle de H3O+ et les différents complexes successifs jouent le rôle des diverses espèces acido-basiques.