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Thème N°6 :

Acide Nitrique - Propriétés

Produits et Matériel :

Acide Nitrique pur - Acide Nitrique fumant - Acide Nitrique à 60% - Solutions 2 M, 1 M et 0,1 M d'acide Nitrique - Ammoniaque concentré - Argile ou Sable de Fontainebleau ou Sciure de bois - Cuivre en tournures - Formol - Solution de NaCl - Solution de BaCl2 - Soufre en fleur - Clous de fer - Toluène - Acide Sulfurique pur - Tubes à Essais (12) - Portoir (2) - Bechers 50 ml (5) -Fioles jaugées 100 ml (6) - Pipettes 10 ml (2) - pH-mètre - Ballon + Tube a dégagement - Chauffe-Ballon + Régulateur - Becher 250 ml (2) - Petit entonnoir - Pipettes compte-gouttes (4) - Bec Bunsen -

Introduction :

L'acide nitrique est un des composés minéraux les plus importants pour l'industrie chimique ; la France en produit ainsi plus de 2 millions de tonnes annuellement. Son utilisation principale est la fabrication des "ammonitrates" engrais azotés à base de nitrate d'ammonium NH4NO3. Il trouve aussi de nombreuses applications en tant qu'oxydant puissant et en chimie organique pour la fabrication d'explosifs. Nous allons illustrer ici expérimentalement quelques unes de ses propriétés.

I) Caractère d'acide fort :

1) Mise en évidence par pH-métrie :

Préparer par dilution d'une solution titrée 0,1 M des solutions 10-2 ,10-3 , 10-4 et 10-5 M. Mesurer leur pH avec un pH-mètre préalablement étalonné à pH = 4. Tracer la courbe pH = f(-log C). On obtient une droite passant par l'origine et de pente unité. Cela montre le caractère d'acide fort de la solution d'acide nitrique. On utilisera si possible un tableur (Excel ou Régressi) et on fera une régression linéaire. (Voir aussi thèmes N°11 et N° 29).

Pour une exploitation informatique des résultats expérimentaux voir disquette d’accompagnement : Logiciel intitulé DilHX

2) Application : fabrication d'un engrais azoté le nitrate d'ammonium

Le nitrate d'ammonium est l'engrais le plus utilisé en France, il possède 2 avantages principaux : d'une part une forte teneur en azote (35 % en masse) et d'autre part de contenir l'élément azote sous deux formes différentes NH4+et NO3-. L'ion nitrate est assimilable directement par les plantes et agit donc comme un engrais rapide. L'ion ammonium par contre agit comme un engrais lent puisqu'il doit d'abord être oxydé en nitrite puis nitrate sous l'action de bactéries présentes dans le sol. La manipulation suivante est une illustration de la synthèse industrielle de l'ammonitrate. Opérer de préférence sous une hotte.

Dans un petit erlen introduire 20 ml d'acide nitrique à 60 %, le mettre dans un bain (eau + glace). Porter sous agitation magnétique lente. Dans un ballon surmonté d'une tube à dégagement introduire de l'ammoniaque concentré et quelques grains de pierre ponce. Chauffer doucement le ballon pour que NH3 s'en dégage et faire barboter le gaz dans l'acide nitrique. La réaction de neutralisation est fortement exothermique et la température augmente sensiblement. Laisser barboter jusqu'à obtenir une solution concentrée de nitrate d'ammonium ; on contrôlera la neutralisation par mesure du pH qui doit être de l'ordre de 6 à 7. 1/4 d'heure à 20 minutes sont nécessaires à la neutralisation complète de HNO3. Surveiller de temps en temps le débit du barbotage et contrôler le chauffage de la solution d'ammoniaque pour maintenir un débit moyen. On ne doit pas sentir l'odeur caractéristique de NH3 au dessus de l'erlen. Concentrer alors la solution obtenue en la portant à ébullition pour évaporer une bonne partie de son eau. L'engrais proprement dit sera obtenu par addition d'un solide généralement de l'argile (on pourra utiliser à la place de la terre ordinaire sèche) pour obtenir une pâte qu'on laissera ensuite sécher avant de la broyer au mortier pour simuler l’engrais en poudre. On peut aussi fabriquer de petites boulettes qu’on laissera ensuite sécher à l’étuve pour simuler l’obtention de granulés. On constate que la terre utilisée a blanchi légèrement, cela est du à NH4NO3 qui est un solide blanc. On peut ensuite caractériser l'engrais obtenu. Pour cela prendre deux ou trois spatulées " d'engrais en poudre " et les introduire dans un becher. Ajouter quelques ml d'eau distillée pour dissoudre le nitrate d'ammonium. Agiter puis laisser reposer pour que la terre se décante. Partager le liquide surnageant dans deux tubes à essais.

Caractérisation de NH4+ :

Dans le premier tube à essais ajouter 2 ml de soude 2 M et chauffer. Un dégagement gazeux se produit, l'odeur est caractéristique de NH3. Approcher un flacon de HCl concentré il se forme des fumées blanches de NH4Cl solide en suspension dans l'air. Aprocher un papier filtre imbibé de sulfate de cuivre, le papier prend la coloration caractéristique bleu nuit du complexe Cu(NH3)42+.

Caractérisation de NO3- :

Dans le deuxième tube à essais ajouter 2 ml d'acide sulfurique concentré et une tournure de cuivre. Chauffer le tube, l'attaque du cuivre et l'apparition de vapeurs rousses de dioxyde d'azote NO2 caractérise l'ion nitrate.

II) Propriétés oxydantes :

L'acide nitrique est un oxydant puissant qui peut oxyder les métaux nobles tels que cuivre et argent non attaqués par les autres acides. Cette propriété est donc due à l'ion nitrate et non à l'ion H3O+.

Données Thermodynamiques :

NO3- / NO E0 = 0,94 V

Cu2+ / Cu E0 = 0,34 V

Ag+ / Ag E0 = 0,80 V

1) Oxydation du cuivre en l'absence d'air :

Prendre un becher et y introduire un petit entonnoir que l'on placera la tige vers le haut. Sous l'entonnoir introduire du cuivre en tournures. Remplir d'eau puis surmonter la tige de l'entonnoir d'un tube à essais plein d'eau. Ce dispositif va permettre de procéder à l'abri de l'air. Enlever le maximum d'eau possible sans que de l'air pénètre dans le tube (s'exercer plusieurs fois). Introduire alors avec précaution de l'acide nitrique concentré dans le becher et homogénéiser tout en soulevant l'entonnoir pour que l'acide soit en contact avec le cuivre. Chauffer et attendre quelques minutes. On constate l'attaque du cuivre, un dégagement gazeux se forme et le gaz incolore formé va remplir petit à petit le tube à essais. Sous l'entonnoir une coloration bleue se développe petit à petit due à l'apparition des ions Cu2+. Quand le tube est plein de gaz le retourner à l'air libre une coloration rousse apparaît aussitôt.

Interprétation :

En absence d'air, l'ion nitrate oxyde le cuivre, on obtient le monoxyde d'azote NO et l'ion Cu2+ .

NO3- + 4 H+ + 3 e- ---> NO + 2 H2O

Cu ---> Cu2+ + 2 e-

2 NO3- + 8 H+ + 3 Cu ---> NO + 4 H2O + 3 Cu2+ (HNO3 dilué)

8 HNO3 + 3 Cu --->2 NO + 4 H2O + 3 Cu2+ + 6 NO3- (HNO3 fumant)

Quand on retourne le tube le NO formé incolore entre en contact avec l'air et s'oxyde en vapeurs rousses de dioxyde d'azote NO2.

2) Oxydation de l'argent en présence d'air :

a) Préparation préalable :

Dans un ballon préparer un miroir d'argent. Pour cela introduire 10 ml de solution 0,1 M de nitrate d'argent, verser goutte à goutte de l'ammoniaque concentré on observe la formation d'un précipité qui se redissout dans un excès d'ammoniaque. C'est le réactif de Tollens caractéristique des aldéhydes. Ajouter alors 1 ml de solution de glucose et attendre la formation du miroir d'argent au fond du ballon (éventuellement chauffer très légèrement au bain-marie). Rincer abondamment à l'eau puis retourner le ballon pour le sécher.

b) Expérience :

Verser un peu d'acide nitrique 5 M dans le ballon et agiter doucement d'un mouvement tournant. L'argent est attaqué et on observe parfois la formation de vapeurs rousses de dioxyde d'azote. On peut éventuellement montrer la formation de Ag+, pour cela diluer à l'eau puis ajouter un peu de chlorure de sodium, on observe la formation d'un précipité blanc de chlorure d'argent.

Remarque :

On peut aussi procéder directement avec de l'argent en fil mais l'expérience est moins jolie. De plus cette expérience illustre une utilisation courante de l'acide nitrique au laboratoire : "faire la vaisselle difficile ".

3) Oxydation du soufre :

Dans un tube à essai introduire une spatulée de soufre en fleur, puis un peu d'acide nitrique pur. Chauffer au bec Bunsen. On observe l'ébullition accompagnée de la formation d'abondantes vapeurs rousses de NO2. Le soufre disparaît peu à peu. Laisser refroidir puis diluer avec un peu d'eau. Transvaser dans un autre tube à essais et ajouter un peu de solution de chlorure de baryum. On observe la formation d'un précipité blanc de sulfate de baryum.

S + 4 H2O ---> SO42- + 8 H+ + 6 e-

NO3- + 4 H+ + 3 e- ---> NO + 2 H2O

2 NO3- + S ---> 2 NO + SO42-

2 NO + O2 ---> 2 NO2

2 NO3- + S + O2 ---> 2 NO2 + SO42-

4) Passivation du fer :

a) Action de l'acide nitrique dilué sur le fer :

Dans un petit becher introduire de l'acide nitrique à 50 %. A l'aide d'une pince en bois y plonger la moitié inférieure d'un clou pendant quelques secondes. On observe l'attaque rapide du fer, la solution prend une teinte rouille (Fe3+) et d'abondantes vapeurs rousses (NO2) se forment. Retirer le clou et le rincer dans un becher d'eau. Garder le clou.

b) Action de l'acide nitrique fumant sur le fer :

Procéder exactement de la même manière que précédemment. Quand le clou entre en contact avec l'acide fumant l'attaque à lieu mais elle s'arrête presque immédiatement. Retirer le clou et comparer son aspect avec le précédant. On constate qu'il prend un aspect très brillant (presque argenté). L'oxydation à produit ici une pellicule d'oxyde magnétique de fer Fe3O4 qui protège le fer et la réaction s'arrête, c'est le phénomène de passivation. Montrer cette protection en replongeant le clou dans l'acide dilué, l'attaque n'a plus lieu. On peut montrer la fragilité de cette protection, il suffit de percer la pellicule d'oxyde en touchant le clou avec une baguette de verre ou un fil métallique pour que l'attaque reprenne immédiatement. (Il se produit un phénomène de micro-pile : voir Thème N°13). Cette passivation permet le transport de l'acide nitrique fumant dans des fûts de fer.

Remarques :

Cette expérience est délicate à réaliser. Il suffit d'un peu d'humidité pour que la passivation n'ai pas lieu, surtout si l'acide utilisé n'est pas vraiment "fumant". S'exercer plusieurs fois pour bien la réussir. Utiliser des clous neufs et propres et bien les essuyer avec un papier filtre juste avant de les plonger dans l'acide. De même ne verser l'acide dans le becher qu'au dernier moment pour éviter qu'il ne prenne l'humidité. Enfin ne pas hésiter à changer le bain d'acide si on désire refaire l'expérience car au bout d'une ou deux fois l'acide ne sera plus assez pur pour que la passivation soit possible. Si l'acide utilisé est vraiment fumant et pas trop "éventé" l'expérience est plus facile.

III) Propriétés nitrantes :

Les dérivés nitrés organiques sont très utilisés comme explosifs nitroglycérine et T.N.T en sont des exemples bien connus.

1) Nitration du toluène :

Préparer un bain de glace. Introduire 7 ml d'acide nitrique pur (éprouvette graduée) dans un erlen-meyer 50 ml , ajouter avec précaution 3 ml d'acide sulfurique pur (éprouvette graduée). Homogénéiser le mélange nitrant ainsi obtenu. Ajouter quelques gouttes (1 à 2 ml maxi) de toluène dans le mélange grâce à une pipette compte-gouttes. Agiter à nouveau, il apparaît généralement une coloration rose ou rouge dans l'erlen et on décèle une augmentation de la température. Cela montre qu'une réaction chimique exothermique se produit. La coloration rouge est due à l'intermédiaire réactionnel (dit de Wheland). Tout en continuant à agiter, mettre l'erlen dans le bain de glace pour éviter que la réaction ne s'emballe et la formation de dérivés poly-nitrés explosifs. Au bout de quelques minutes sortir l'erlen et y verser de l'eau glacée. Des gouttelettes jaunâtres de nitrotoluène plus dense que l'eau apparaissent au fond de l'erlen. Montrer que le toluène lui même est moins dense que l'eau et surnage sur celle-ci. Cela démontre la formation d'un produit nouveau. D'autre part le nitrotoluène possède une odeur caractéristique d'amande amère très facile à déceler.( La coloration jaunâtre du produit est due à NO2).

Cette réaction marche très bien si on suit le mode opératoire décrit. On ne doit pas mettre trop de toluène (1 à 2 ml au maximum) car sinon il en restera à la fin et le nitrotoluène formé se dissoudra préférentiellement dans la phase surnageante ce qui ne permettra pas de le mettre facilement en évidence. On peut aussi utiliser l'acide nitrique fumant mais on devra travailler en permanence à 0 °C et ne surtout pas ajouter d'acide sulfurique on obtiendrait alors du trinitrotoluène explosif très dangereux (T.N.T).

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